Evitons les mauvaises appréciations de la situation
Réflexions sur le cheminement politique et économique de Madagascar : entre leçons du passé et défis du présent
Après plusieurs années d'exil volontaire en France, consécutives à sa défaite aux élections présidentielles de 1993, le Président Didier Ratsiraka effectue en 1996 un retour remarqué sur la scène politique. Son objectif : briguer à nouveau la magistrature suprême après la destitution du Président Zafy Albert. Interrogé à l’époque sur ses éventuelles erreurs à la tête de la Deuxième République, il reconnut avoir sous-estimé certains enjeux, soulignant qu’il n’avait fait qu’appliquer les aspirations populaires formulées après les événements de 1972.
Ratsiraka prit les rênes du pays dans un contexte marqué par une forte imprégnation idéologique socialiste, notamment au sein de la classe moyenne urbaine. Cependant, les résultats escomptés furent loin d’être atteints. Madagascar s’enlisa dans une crise économique profonde, marquée par une récession et une aggravation de la pauvreté. Confronté à un risque de défaut de paiement, Ratsiraka amorça un virage économique vers le libéralisme. Ce revirement, cependant, provoqua la désillusion de ses alliés politiques, initialement fervents défenseurs du socialisme instauré après 1972. Ces derniers, devenus les artisans des contestations de 1991, précipitèrent finalement la chute de Ratsiraka.
Les leçons d’une ambition mal maîtrisée
Cette période de l’histoire malgache illustre les dangers des changements radicaux mal préparés. Les aspirations légitimes à la justice sociale et à l’émancipation politique vis-à-vis de l’ancien colonisateur furent accompagnées de choix économiques qui se révélèrent désastreux. Tandis que de nombreux pays en développement s’ouvraient à l’économie de marché pour attirer des investissements étrangers, Madagascar optait pour une politique autarcique.
Quand l’Asie émergeait comme "l’usine du monde", Madagascar investissait massivement dans des infrastructures industrielles sans assurer une base économique solide. Les minoteries de blé, par exemple, fonctionnaient à peine la moitié de l’année faute d’une production locale suffisante. Cet emballement pour l’investissement n’était pas une erreur en soi, mais il aurait dû s’accompagner d’une stratégie rigoureuse pour rembourser les dettes contractées, notamment par une augmentation de la production et de la consommation nationales.
Les conséquences furent dramatiques : une décennie fut nécessaire pour atténuer les effets des décisions économiques prises à partir de 1972, mais le pays s’enfonça dans la pauvreté. Alors que son PIB par habitant rivalisait avec celui de la Corée du Sud en 1960, Madagascar se retrouva parmi les nations les plus démunies du monde. Les crises politiques de 2002 et 2009 traduisent en réalité ce retard économique : elles résultent d’un mécontentement croissant face à l'absence de développement, aggravé par un resserrement des libertés démocratiques.
Une démocratie à parfaire dans un contexte de fragilité
Aujourd’hui, Madagascar traverse une période difficile. Le progrès économique reste lent, et la population est confrontée à des défis majeurs. Pourtant, une avancée notable réside dans l’ouverture relative de l’espace démocratique. Certes imparfaite, cette ouverture permet à l’opposition de s’exprimer grâce à des outils modernes, des médias, et une présence au Parlement. Les citoyens, quant à eux, utilisent les réseaux sociaux pour interpeller directement les dirigeants, rendant ainsi les réalités du quotidien inévitables pour le pouvoir en place.
Les élections communales en cours témoignent d’une certaine vitalité démocratique. Les candidats et partis politiques peuvent dialoguer directement avec la population, et des contraintes logistiques autrefois pesantes, comme l’impression des bulletins de vote, ne constituent plus un obstacle majeur. Toutefois, cette dynamique ne doit pas être pervertie. Il est crucial que ces élections ne deviennent pas un simple prétexte pour légitimer ultérieurement des actions anti-démocratiques ou anticonstitutionnelles.
Avec encore quatre ans devant lui, le régime actuel doit concentrer ses efforts sur la mise en œuvre de la seconde phase de son programme : améliorer le niveau de vie des Malagasy. Cet objectif, bien que complexe, demeure atteignable, à condition de maintenir le cap sur quatre axes prioritaires : la transformation agricole, le développement du capital humain, la diversification économique et la bonne gouvernance.
Madagascar a prouvé à maintes reprises sa résilience. Le véritable défi est désormais de transformer cette résilience en un développement inclusif et durable, sans céder aux illusions d’un changement précipité ou mal pensé.
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